Chronique d’actualité politique La guerre du Haut-Karabakh

ΕΛΛΗΝΙΚΗ ΚΟΙΝΟΤΗΤΑ ΠΑΡΙΣΙΟΥ ΚΑΙ ΠΕΡΙΧΩΡΩΝ

COMMUNAUTÉ HELLÉNIQUE DE PARIS ET DES ENVIRONS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Haut-Karabakh, région montagneuse souvent appelée le Jardin Noir du Caucase, s’étend sur une superficie de 11 430 km² et compte 146 000 habitants (dont 90 % d’Arméniens). Il a déclaré son indépendance de l’Azerbaïdjan, en 1994 ; en 2017, il s’est proclamé République d’Artsakh sans, pour autant, bénéficier d’une reconnaissance internationale. Depuis 1994, l’armée arménienne a occupé 9% du territoire de l’Azerbaïdjan autour de cette région, aménageant ainsi une zone de sécurité jusqu’à l’Arménie voisine (v. la carte). Il convient de noter que la région constitue un point de passage pour les oléoducs et gazoducs de l’Azerbaïdjan desservant l’Europe, la Méditerranée et la mer Noire.

Le problème qui agite actuellement cette zone remonte à 1921 quand, avec la conquête et la division soviétiques du Caucase, la région fut cédée à la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan, malgré son identité arménienne. À l’époque, l’URSS souhaitait trouver un soutien voire une alliance auprès de la Turquie nationaliste, afin de sécuriser ses frontières. Dans le même temps, l’Azerbaïdjan s’est vu attribuer l’enclave du Nakhitchevan, une autre région stratégique limitrophe de la Turquie, de l’Arménie et de l’Iran (voir carte). Depuis 1988 et le massacre de civils arméniens à Sumgaït, en Azerbaïdjan, une série d’émeutes n’a cessé de secouer la région. Après la dissolution de l’URSS et les modifications de la carte du Caucase qu’elle entraîna, la Russie a décidé de maintenir le rattachement de la région à l’Azerbaïdjan. S’en est ensuivie une guerre particulièrement sanglante (30 000 morts), de 1991 à 1994, qui s’est achevée par la déclaration d’indépendance du Haut-Karabakh.

Les tensions entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, le long de la frontière, se sont intensifiées depuis juillet 2020, pour aboutir, le 27 septembre 2020, à une offensive de l’armée azerbaïdjanaise contre le Haut-Karabakh (soutenu par l’Arménie). Un mois après, le 21 octobre, la Turquie a officiellement déclaré, par l’intermédiaire de son vice-président Fuat Oktay, que son gouvernement n’hésiterait pas à envoyer une aide militaire (troupes et équipements) pour soutenir l’Azerbaïdjan, ce que la France avait déjà dénoncé, dès le 1er octobre.

Le 8 novembre 2020, après six semaines de combats et plusieurs cessez-le-feu avortés, la Russie est parvenue à obtenir un accord entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. En vertu de ce nouvel accord, l’Azerbaïdjan conserve les territoires qu’il a occupés pendant le conflit, tandis que les Arméniens se voient contraints de se retirer des territoires qu’ils occupaient en 1994 (v. carte). De plus, l’accord envisage le déploiement d’environ 2 000 soldats russes comme force de maintien de la paix sur la ligne de conflit, à mesure que les troupes arméniennes se retireront. Selon les déclarations du président azerbaïdjanais, des soldats turcs rejoindront également la force de maintien de la paix.

Cet accord de cessez-le-feu qui modifie le paysage géopolitique de la région constitue une victoire totale pour les Azéris et la Turquie et une cruelle défaite pour les Arméniens ; ces derniers perdent une partie importante de leur territoire, en dehors de l’enclave du Haut-Karabakh qu’ils occupaient en 1994, ainsi que le couloir les reliant à l’Arménie, à l’exception d’une bande étroite autour de l’autoroute, qui sera, de plus, contrôlée par les soldats de la paix russes. L’Azerbaïdjan, au contraire, se voit garantir un corridor avec le Nakhitchevan et attribuer ainsi une frontière avec la Turquie.

La Turquie, puissance déterminante de la domination de l’Azerbaïdjan sur l’Arménie, obtient, par conséquent, un accès vers les pays de l’Asie centrale, tels que le Turkménistan, le Kirghizistan et le Kazakhstan.

Dans une lettre adressée aux protagonistes de l’accord, le président Macron appelle à des éclaircissements sur les termes du cessez-le-feu et soutient l’aide humanitaire des communautés arméniennes de France pour se porter au secours des populations touchées ; il fait également appel à “une trêve culturelle” pour empêcher la “destruction du patrimoine culturel et religieux arménien ” dans la région.

En tant que Grecs, nous ne pouvons, en conscience, rester indifférents au drame que vit actuellement le peuple arménien. La position de la Turquie ravive la mémoire du génocide et contribue une fois de plus à l’anéantissement de ce peuple. Nous n’oublions pas les liens affectifs et historiques qui nous unissent ni moins encore les périodes de martyre que nos deux peuples ont vécues ensemble. C’est pourquoi nous œuvrons pour la paix, la démocratie, le respect des droits humains fondamentaux et la primauté du droit international et européen. Nous nous honorons que notre pays ait été pionnier, dès 1996, dans la reconnaissance du génocide arménien, puis, en 2014, dans la pénalisation de sa négation.

En tant que Grecs, nous souhaitons aussi rappeler, à l’occasion de cette chronique, que nous avons, tout au long de l’été, subi le silence assourdissant des États-Unis et de la Russie, face aux multiples appels lancés par notre pays comme par Chypre, à la suite aussi bien des violations incessantes par la Turquie des espaces aérien et maritime de ces deux États que du chantage exercé par des flux successifs de réfugiés vers la Grèce.

Nous dénonçons ainsi fortement qu’une inaction diplomatique mondiale laisse globalement le champ libre à la Turquie pour imposer ses visées hégémoniques, depuis la région du Caucase, en passant par la Syrie et jusqu’en Méditerranée orientale.